Pour la troisième édition de cette série au ton très personnel, Valérie nous partage ses coups de cœur gourmands au restaurant, par solidarité avec l’industrie, qui a besoin plus que jamais de notre enthousiasme renouvelé pour assurer sa pérennité! Elle vous propose donc une balade entre les rues Saint-Dominique, Jeanne-Mance, René Lévesque et Viger, où vibre une communauté sino-québécoise et cosmopolite dynamique, conjuguant tradition, créativité et pluralité. En octobre, elle laisse aux restaurateurs du mythique quartier chinois de Montréal le soin de déposer dans notre assiette une poignée de riches offrandes!
Avant d’aller au resto: Marché G & D
À l’automne, j’ai la furieuse envie de faire des réserves pour l’hiver. Je réalise des conserves de tomates, des cornichons et des marinades de toutes sortes. Ces dernières années, j’ai inclus dans ma routine la fabrication de Kimchi, ce condiment coréen à base de choux, de radis daikon et de gochugaru (piment séché). Pour rassembler les ingrédients nécessaires, je m'engouffre d’abord à l’Épicerie G & D, situé au sous-sol de la Plaza Swatow, où l’on trouve tout ce qu’il faut pour réaliser des recettes non seulement, coréennes, mais également thai, vietnamiennes, chinoises, laotienne, japonaises, et j’en passe. J’adore fureter dans la section des condiments, regorgeants de sauces parfumées, et conserves et de pâtes colorées, ou dans celle des fruits et légumes, parmi les boisseaux verts des feuillus, où j’attrape des pousses de pois de neige, des germes de Soja frais ou des bouquets de liserons d’eau que je ferai sauter dans mon wok avec de l’ail du gingembre et de l’huile de sésame… En quittant les bras chargés de victuailles, je me retrouve au sommet de l’escalier roulant, où je suis accueillie par un nuage de vapeur qui porte un fumet exaltant…


Marché G & D
Nouilles de Lanzhou
Juste au-dessus de l’Épicerie G & D est installé un micro restaurant où l’on fabrique à la main des nouilles élastiques et fondantes, servies minute, style “dan dan” (nappées d’huile de poivre de Sichuan, de porc haché, d’oignons verts et de piments) ou noyées dans un bouillon de boeuf et de radis blanc (Lanzhou). Dans les deux cas, c’est un absolu délice que j’engloutis à une vitesse quasi alarmante.


Nouilles de Lanzhou
Pho Bang New York
Quoique je sache apprécier l’offre classique du petit-déjeuner “deux oeufs bacons café à volonté”, je dois avouer la vérité: il n’y a RIEN en ce bas monde qui me fasse davantage plaisir au déjeuner qu’une soupe fumante où nagent dans un bouillon clair et parfumé, des vermicelles de riz et quelques précieuses tranches de boeuf saignant (Pho Thai). J’ai passé d'innombrables dimanches matins attablés devant un bol de réconfort, en observant derrière l’immense verrière de ce restaurant vietnamien, les passants défiler nonchalamment sur l’avenue Saint-Laurent. Depuis plus de 15 ans, Pho Bang New york me régale et me réjouit avec une constance exceptionnelle. Lorsque je me sens amochée, j’opte pour le spécial de fin de semaine, le Bun Bo Hue, au bouillon plus dense et pimenté, où ont mijoté queues de bœuf et os de porc pendant des heures. En résulte un élixir oléagineux qui tapisse le palais et apaise les matins trop crus.


Pho Bang New York
Fleurs et cadeaux
Autre endroit d’exception dans le quartier, “Fleurs et cadeaux” est un casse-croûte japonais qui offre une sélection raffinée de Temakizuchis façonnés à la main, de fabuleux yakitoris de poulet et une carte exceptionnelle de sakés d’artisans. Je suis éperdument amoureuse de leur canard vieilli au miso et de ce petit apéritif de chips de crevette et mousse à l’oursin qui décoiffe. Au-delà des délectables petites assiettes et de la glorieuse sélection de breuvages, c’est dans ses petits détails que Fleurs et Cadeaux m’enchante: les disques vinyle, le service sincère et courtois, et le fait que la façade de l’édifice et son enseigne annoncent encore le nom du commerce des anciens propriétaires, Monsieur et Madame Wong, qui tenaient depuis des années une boutique de Fleurs et Cadeaux. J’y vois une déférence bienveillante, un clin d'œil manifeste à ceux qui sont venus avant dans un quartier plus que changeant.


Fleurs et cadeaux
Le Poincaré Chinatown
Perché au-dessus d’une petite épicerie, à un jet de pierre de l’esplanade de l'arbre à souhait, on trouve le Poincarré Chinatown, un bar/buvette où il fait bon s’installer au soleil de fin d’après-midi, en grignotant un plateau d'oreilles de crisse craquantes arrosées de quelques “steins” de lager tchèque. La vue est imprenable depuis leur vaste terrasse (enfin) située sur le toit de l’immeuble dont il occupe le deuxième étage. En salle, j’aime me caler entre les gerbes de plantes qui habitent l’espace lumineux et accueillant. Je passe alors au vin nature et je sélectionne quelques plats lactofermentés, qui occupent une part de choix sur leur carte courte, précise et alléchante. Mention spéciale aux “sauer frites” et au “très fameux” kimchi maison (encore lui!) qu’on retrouve à la carte ET en accompagnement des “shooters” de gin québécois! Le personnel est plus que charmant, l’endroit est remarquable, décontracté et accueillant. J’affectionne particulièrement le fait qu'à chaque visite, j’ai l’impression tenace de faire partie de la gang!


Le Poincaré Chinatown
Le Mal Nécessaire
Du deuxième étage, on doit plonger jusqu’au sous-sol du restaurant Fung Shing, juste en face (où j’ai dégusté maints canards rôtis, avec du vinaigre rouge et des carottes marinées, s’il vous plaît) pour se retrouver dans un des hauts lieux de la mixologie montréalaise. Sans prétention aucune, cet élégant bar à cocktails propose des breuvages créatifs et délicieux qui ravissent les palets en mal d’exotisme. J’apprécie particulièrement les soirées grises et calmes, où le temps s’accroche à la porte d’entrée et semble m’attendre, suspendu, comme un parapluie qui s'égouttent sagement au pied de la cage d’escalier. Dans ces moments-là, j’en profite pour jaser avec le personnel ultra compétent, intuitif et passionné derrière le bar, qui sait concocter exactement ce j’ai envie de boire. On nomme les choses ensemble, on discute à tâtons de saveurs végétales, amères, fumées, fruitées, pour échafauder un cocktail personnalisé qui non seulement étanche ma soif mais exalte mon imaginaire. Quand la faim se fait sentir, on peut commander une petite portion de poulet général Tao, que Fung Shing descend des cuisines à l’étage et dépose directement sur le comptoir, à mon grand ravissement.


Le Mal Nécessaire
Et vous, quelles sont vos adresses préférées dans le quartier?