Entretien avec Pierre-Philippe Tremblay, copropriétaire du Domaine Le Cageot, qui se spécialise dans la culture et la transformation de la vigne et des petits fruits cultivés autant que sauvages.

Défricher et grandir

Avant de devenir le premier centre de transformation pour boissons alcoolisées au Saguenay, Le Domaine Le Cageot, fondé en 1977 à Jonquière, n’était qu’une modeste plantation de framboises qui approvisionnaient en baies fraîches les membres de la famille Tremblay, leurs voisins, et quelques passant.e.s. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette entreprise familiale a depuis pris de l’expansion: on y compte aujourd’hui plus de 18000 plants de baies répartis sur une trentaine d’acres où l’on cultive avec passion framboises, cassis, bleuets et raisins.

« J’ai grandi dans l’agriculture. Tout jeune, je ramassais des roches dans les labours. J’ai toujours su que je voulais suivre les traces de mon père, affirme Pierre-Philippe Tremblay, fils du fondateur, Donald Tremblay. Mon père a longtemps partagé son quotidien entre l’enseignement, le jour, et le champ, le soir. Après le décès de ma mère, des suites d’une longue maladie dégénérative, mon père m’a demandé si je voulais rester ou poursuivre mes études au CÉGEP. C’était pour moi un choix très simple. Je suis resté et j’ai repositionné l’entreprise en actualisant le modèle d’affaires. Je m’y suis investi à temps plein, échafaudant sur la terre meuble que mon père a défrichée. J’ai racheté ses parts en 2018 et ai intégré de nouveaux partenaires au projet ».

Le jeune entrepreneur parle avec fierté de cette nouvelle phase de développement, stimulée par un investissement de près de 2,5 millions de dollars, afin d’accroître la production des confitures, gelées, vinaigrettes, vins et alcools fins qui composent l’impressionnant portfolio du Domaine Le Cageot.

Pierre-Philippe Domaine Le CageotPierre-Philippe Domaine Le Cageot

Pierre-Philippe Tremblay

Un succès familial

Pierre-Philipe a tôt fait de rappeler que son entreprise, bien qu’elle connaisse une poussée de croissance importante, conserve malgré tout son aspect humain. « On ne perd jamais le cap: on continue à créer des produits uniques et authentiques, aux saveurs qui se démarquent, tout en demeurant artisanal, familial. On travaille la terre d’abord, parce que tout commence par le fruit, qu’on récolte encore à la main. Sauf pour les bleuets sauvages, cueillis à flanc de montagne avec un minimum d’automation ».

L’agriculteur renchérit: «Même si nos volumes augmentent, c’est encore un humain qui “canne” tous nos produits. Écoute, j’ai acheté une embouteilleuse automatique pourtant, mais elle est dans le coin de la pièce depuis 1 an… dit-il en riant. Aux champs comme pendant le conditionnement, le plaisir et la convivialité sont essentiels. On veut avoir du fun et ça, ce n’est pas près de changer! » 

Vinaigrette Domaine Le CageotVinaigrette Domaine Le Cageot

Vinaigrette aux bleuets

Exporter le goût du Québec

Le Domaine Le Cageot remporte un franc succès avec ses produits originaux et très qualitatifs, dont le fameux Cageolet, cet intrigant vin mousseux de bleuets sauvages, maintes fois primés dans les concours internationaux. Ouverts sur le monde, les membres de l’équipe reçoivent également chaque année plus de 300 autobus de touristes qui découvrent avec enchantement la finesse des alcools apéritifs, des gelées de fruits ou des vinaigrettes macérées avec soin, entre autres choses. 

« Notre goût distinctif, c’est celui de la nature, avance Pierre-Philippe. Les gens s’étonnent toujours de la subtilité de nos produits de bleuets par exemple, alors que la spécificité du fruit c’est précisément sa délicatesse. C’est ça sa réalité. On n’ajoute aucun intrant chimique, arôme ou saveur artificielle. On n'est pas là du tout. La texture des confitures et des tartinades est hyper travaillée, naturellement, avec patience, dans le temps ». 

Confitures Domaine Le CageotConfitures Domaine Le Cageot

Miel, gelée et tartinade

Vignes du nord

Quand il est question de vin, le Domaine Le Cageot remporte avec brio le pari d’exploiter des parcelles de vignes en plein climat nordique. Fort de ses multiples formations en œnologie, vitiviniculture et chimie agroalimentaire, Pierre-Philippe parle avec passion de la culture de la vigne et de son expérience terrain considérable. « Un jour, on a reçu un cadeau d’une vieille dame: elle nous a offert un pied de vigne inconnu qui poussait hyper bien dans la région. On s’est rendu compte avec des agronomes que c’était un cépage indigène autochtone qui n’avait jamais été répertorié… On l’a implanté et on l’a regardé aller. Pas d’eau, pas d'engrais. Il a fallu attendre 6 ans avant d’avoir une trentaine de grappes. C’est devenu notre cépage signature, l’hybride Saint-André, très qualitatif, au profil fumé, boisé et sec ». 

En plus d’être le seul exploitant de Saint-André de la région, les vignes du Domaine Le Cageot sont élevées selon la méthode raisonnée où la biodiversité est mise de l’avant. « J’ai des pissenlits entre mes rangs de vignes depuis 20 ans! J’ai des haies coupe-vents d’arbustes fruitiers pour attirer des pollinisateurs. On laisse la nature faire et on l’aiguille seulement quand c’est nécessaire ». Selon Pierre-Philippe, il en résulte des vins construits avec intelligence, qui parlent d’abord du terroir si particulier du Saguenay. Cette approche patiente et très peu interventionniste  semble d’ailleurs être un des gages du succès du Domaine Le Cageot, qui prévoit continuer longtemps à faire rayonner les saveurs du terroir nordique et le savoir-faire de ses habitant.e.s.