Un article de Sophie Suraniti, pour Détaillant Alimentaire.
Des huiles d’olive qui n’en sont pas, du poisson mal étiqueté, du miel coupé avec d’autres sucres… Le trio de tête des produits les plus contrefaits dans le monde ne change pas depuis des années. En raison de l’épidémie de coronavirus qui fait pression sur certaines chaînes d’approvisionnement, les cas de fraudes (substitutions, altérations, tromperies quant à la composition ou l’étiquetage…) risquent d’être encore plus nombreux. La transparence est le principal moyen de les réduire. Il y va de notre santé publique. Et de la santé de votre commerce.
S’interroger et interroger
La transparence, c’est le fait de disposer d’une information claire sur les produits alimentaires qui arrivent en magasin. D’où viennent-ils ? Que contiennent-ils ? Comment ont-ils été fabriqués et dans quelles conditions ? Contiennent-ils des allergènes, des OGM, des agents de conservation ? Ces questions de base, et toutes celles qui sont de nature sanitaire, éthique ou écologique, devraient systématiquement (ou du moins régulièrement) se poser et être posées. Et ce, à chaque maillon de la chaîne : producteur, transformateur, transporteur et détaillant.
Chaque pays peaufine ses systèmes de surveillance en matière de salubrité alimentaire. Au Canada, cela est d’autant plus compliqué que le fédéral, les provinces, voire certaines villes ont leur propre système d’inspection et de plaintes. À l’international, les agences Interpol et Europol peuvent mener des opérations antifraude d’envergure.
Les outils de traçabilité
Pour améliorer cette transparence, des outils de traçabilité sont mis en place. Ils peuvent être complexes, mais également « simples », dans le sens de « visibles de suite » et compréhensibles par l’acheteur. Le programme de traçabilité du homard de Gaspésie mis en place en 2012 en est un bel exemple. Le crustacé gaspésien porte à l’une de ses pinces une étiquette sur laquelle figure le logo d’Aliments du Québec ainsi qu’un code alphanumérique. Grâce à ce numéro, on peut savoir qui l’a pêché ; c’est le gage de sa traçabilité. Il suffit d’aller sur le site du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie (monhomard.ca). Du bateau au marché.


Crédit photo : Aliments du Québec
La technologie de la chaîne de blocs (blockchain), ce protocole informatique utilisé à l’origine pour la monnaie virtuelle (bitcoin), s’annonce comme une petite révolution particulièrement attendue en matière de traçabilité des produits. Le principe est le suivant : chaque intervenant d’une chaîne alimentaire entre ses informations dans une base de données. Cette base de données est à la fois publique, sécurisée et infalsifiable (les blocs d’information qui s’empilent chronologiquement ne sont pas centralisés). Il est alors possible de retracer précisément les différentes étapes du parcours d’un aliment (production, transformation, transport, entreposage, etc.), de repérer les failles possibles (fraude, anomalie dans un produit, température d’entreposage inadéquate, etc.) et donc d’agir rapidement. Cet outil reste pour le moment encore complexe à mettre en œuvre et il soulève nombre d’interrogations. Plusieurs expérimentations sont néanmoins en cours dans les multinationales de l’agroalimentaire.
Affichage et étiquetage
L’affichage de la provenance des produits est un autre outil de lutte contre la fraude alimentaire. En mai 2018, le Québec a mis en place son Règlement sur l’indication de l’origine des fruits et légumes frais. En vertu du Guide d’application — Indication de l’origine des fruits et légumes frais à l’intention des détaillants alimentaires qui accompagne cette réglementation, il est tout bonnement interdit de tromper l’acheteur d’un fruit ou d’un légume frais quant à son origine.
L’étiquetage des produits, autre gros dossier, a fait l’objet de consultations publiques ces dernières années. L’objectif est de mieux communiquer auprès du grand public, et aussi d’être clair avec ce qui est demandé hors frontières par nos différents partenaires commerciaux. Voilà qui n’est pas simple à mettre en place, car plus le produit vient de loin (le Canada est le sixième importateur de produits agroalimentaires et de produits de la mer au monde après l’Union européenne, les États-Unis, la Chine, le Japon et le Royaume-Uni), moins on en maîtrise le contenu et le contenant. C’est un peu « Loin des yeux, loin des réglementations » !
Le 15 janvier 2019, l’Agence canadienne d’inspection alimentaire (ACIA, organisme fédéral responsable de surveiller les produits importés et ceux qui font l’objet d’un commerce interprovincial) a mis en place son nouveau Règlement sur la salubrité des aliments au Canada. De nouvelles exigences en matière d’informations à fournir, de permis à demander selon le produit alimentaire, le type d’activité et la taille de l’entreprise ont été apportées en 2020 ; d’autres sont prévues en 2021.


Connaître ses chaînes d’approvisionnement demande certes des moyens financiers et humains, mais aussi beaucoup de bonne volonté. L’avenir sera moins frauduleux si tout le monde agit en toute transparence ! Les formules comme les circuits d’approvisionnement dits « courts » tirent bien leur épingle du jeu, car elles peuvent faire valoir la carte de la transparence grâce à la proximité. Même si nous n’allons pas systématiquement faire un tour dans le champ pour vérifier le tout…
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