5 livres québécois pour entamer de puissantes discussions

La téméraire

Autrice québécoise: Annie Roy
Éditeur: Druide

« Cette biographie-là, ça se lit comme un roman. C’est pas compliqué! », s’exclame Marc Alexandre. On a l’occasion d’y coudoyer une figure d’audace et d’endurance pour le Québec, Madame Nicole Juteau, non seulement gradée toute première policière de la province, mais promue enquêteuse et agente double au fur de sa légendaire carrière, a notamment opérer incognito dans des bars avec l’escouade régionale alcool et moralité de l’époque.

Le papier est parsemé d’épatantes photos, de notes en bas de page pour un contexte immersif et d'apartés à l’occasion de l’entrevue dirigée par Annie. Un dialogue franc, investi. « On sent un échange entre les deux », nous relaie Marc Alexandre. « On a vraiment l’impression de faire partie de leur rencontre ».

Le portrait, dressé à partir des années 1970, nous est après tout livré par la main de maître d’une enseignante en histoire. « J’ai eu un plaisir fou à lire ça. Si l’histoire était toujours racontée de cette façon-là, les jeunes s’y intéresseraient! » renchérit Marc Alexandre, lui-même ancien professeur au secondaire.

Mélasse de fantaisie

Auteur québécois: Francis Ouellette
Éditeur: La Mèche

Aventure amorcée par une fâcheuse culbute dès sa naissance, Francis se propulse vers son futur, une vie rocambolesque au cœur d’un Montréal des années 1970. Il nous y présente une galerie de personnages dignes des projecteurs, dont Frigo, l’illustre sans-abri du coin, qui le guidera à travers les coulisses du fameux Faubourg à m’lasse. Une tirade crue qui fait frémir l’imaginaire, dans l’exploration d’un quartier iconique et sa curieuse nostalgie.

« C’est écrit dans un langage de la rue, dans un langage populaire. J’ai adoré lire ça! », lance Marc Alexandre. « Il ne s’est pas gêné pour utiliser des expressions un peu perdues, mais qui étaient courantes dans ce temps-là ».

Entre de comiques anecdotes et d’inquiétantes apparitions, on y souligne la difficulté de s’échapper d’un milieu défavorisé, et le paradoxe de tout donner pour le fuire, sans pour autant pouvoir renier son origine, bien au contraire, en allant jusqu’à célébrer haut et fort son folklore qui formera finalement toute une ville. « C’est une belle prise de conscience, cette dualité ». 

La fille d’elle-même

Autrice québécoise: Gabrielle Boulianne-Tremblay
Éditeur: Marchand de feuilles

Nous y suivons l’évolution d’une petite fille, considérée comme un garçon par tout son entourage, excepté sa grand-mère qui a toujours su croire en elle. Un récit percutant sur la transidentité, et la pression portée par un monde à la vision encore trop étroite. « Ça a été pour moi une révélation », reconnaît Marc Alexandre. « C’est beau comme jamais ».

« C’est un livre qui est difficile à lire, mais il y a tellement une belle lumière. L’écriture n’est jamais larmoyante. Puis plus on avance, plus on voit qu’elle s’en sort, avec des blessures évidemment, mais c’est tellement une belle personne », nous décrit-il, ayant lui-même été témoin de la remise du Prix des Libraires 2022, alors que Gabrielle était élue Lauréate dans la catégorie Roman. « C’est cette luminosité-là qui était comme sous-jacente tout au long du roman ».

Notre conseiller nous urge d’en dégoter une copie, ne serait-ce que pour se mettre un instant dans la peau de quelqu’un à la recherche de son identité, de sa vraie identité, alors qu’on peut prendre, sans s’en rendre compte, un tel état d’aise pour acquis.

Le petit astronaute

Auteur québécois: Jean-Paul Eid
Éditeur: La Pastèque

Lors d’un pèlerinage fortuit à vélo, Juliette tombe sur la vente de sa demeure d’enfance. Elle profite d’une visite libre pour s’y remémorer les bonheurs d’autrefois, dont l’arrivée tumultueuse de son petit frère. Elle surnomme ainsi l’enfant qu’elle aimera tant, car, atteint de paralysie cérébrale, Tom voit le monde différemment, comme depuis l’espace.

« C’est plein de douceur », dit Marc Alexandre. « Le choix de la couleur y joue pour beaucoup ». On tangue entre les palettes, en jouant parfois dans le bleu pâle, tantôt en tons de sépias, parfois jusqu’à la noirceur du cosmos. Les planches changent de ton selon les émotions et par qui elles sont émises.

L’écrivain y travaille à la fois sa plume et son coup de crayon, illustrant l'œuvre d’une fluide unicité, d’une cohésion retentissante. Il s’agit d’un objet de grande qualité qu’on ne se tanne pas de feuilleter (d’un œil quelque peu embué, admettons-le). On y remarquera à chaque tour de nouveaux détails, tels que les bandes ornées des pictogrammes favoris du garçon.

« Ça m’a réconcilié avec le concept de bande dessinée pour adultes », nous avoue Marc Alexandre. « Je ne pense pas que ça va perdre de popularité, parce que c’est un livre sur la bienveillance, sur l’acceptation de la différence. C’est vraiment une ode à la vie! »

Le petit oiseau rare

Autrice québécoise: Édith Lacroix
Illustratrice québécoise: Geneviève Després
Éditeur: Québec Amérique

L’album jeunesse raconte la rencontre entre Maïa et un oiseau splendide, Passerin Nonpareil qui, à sa grande surprise, choisit d’élire domicile à même la chevelure de la jeune fille. Son nid toujours érigé près d’elle, il perd pourtant de sa vivacité et ternira à vue d'œil, suscitant l'incompréhension des proches de Maïa envers son nouveau camarade, voire la jalousie, jusqu’à attirer leur moquerie. 

« C’est l’histoire du fils d’Édith, qui a une maladie qui s’appelle le syndrome de Hunter », explique Marc Alexandre. « On parle d’une maladie qui est rare, oui, mais aussi de toutes les réactions des gens quand il y a quelque chose qu’on ne connaît pas ». Comme le mentionne si sagement le résumé à l’arrière du bouquin, il n’est pas simple pour tout le monde de voir la beauté de la rareté.

« En tant que parent, il y a un bout de chemin à faire avec ça. Une fois que ça a été lu, on peut poursuivre l’échange, poser les questions puis aller un peu plus loin », propose-t-il. « Heureusement qu’on a ça pour justement aborder des thèmes comme la mort, comme la différence, comme l’engagement ».

Une part des profits des ventes iront d’ailleurs à la maison de répit Le Phare.

Faciliter l’ouverture grâce à la lecture

Certes, lire peut faire plaisir, nous divertir. Mais pas que. 

Il est ici question de bouleversantes découvertes littéraires. Chacune de ces histoires nous incite à déclencher les conversations primordiales qui ne viennent pourtant pas toujours naturellement.

Grâce aux auteurs et aux autrices d’ici, nous ne serons jamais à court de pistes pour marcher dans les souliers de l’autre, et nous en rapprocher.